Gérer le harcèlement sexuel en entreprise... Oui mais comment ?

Dans les années 2000, j’ai connu un manager qui appelait une de ses collaboratrices Gina Lollobrigida pendant les réunions d’équipes. Il suggérant ainsi qu’elle avait de beaux seins. Nouvellement embauchée, elle n’osait rien dire …Elle devenait rouge, les autres collaborateurs étaient gênés pour elle. Elle a demandé à changer de service sous un prétexte professionnel… Inconcevable de nos jours !

Depuis l'affaire Weinstein, les personnes harcelées sexuellement osent davantage en parler et/ou osent le signaler. Le harcèlement sexuel a été fortement médiatisé au travers de l’affaire « Me too ». Ce n’est plus un sujet tabou. Cependant, il faut être prudent et bien cerner ce que cela revêt.
Gérer un harcèlement sexuel commence dans un premier temps par le reconnaître ou le détecter, puis le signaler, le traiter - c’est-à-dire protéger la personne présumée harcelée - et enfin sanctionner l’harceleur
si cela est prouvé. Bien entendu, il faut souligner l’importance que revêt la prévention dans le combat contre ce type de comportements !

Harcèlement sexuel au travail, de quoi parle-t-on ?

Le lieu de travail est le premier endroit où les femmes subissent le harcèlement sexuel : une femme sur cinq y serait confrontée au cours de sa vie professionnelle ! Il faut aussi rappeler, même si on l’évoque moins, que le harcèlement sexuel peut concerner deux personnes du même sexe.

Voici comment le code pénal français définit le harcèlement sexuel : “Le harcèlement sexuel est le fait d’imposer à une personne, de façon répétée, des propos ou comportements à connotation sexuelle qui, soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante. Est assimilé au harcèlement sexuel le fait, même non répété, d’user de toute forme de pression grave dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers.”

Les frontières entre le harcèlement sexuel et un processus de séduction maladroit voir grossier.

Il est difficile pour un collaborateur extérieur à la situation de gérer une situation ambigüe : simple drague ou persécution, tentatives de séduction maladroite ou harcèlement ?
Lors d’une de mes interventions dans une usine, un opérateur avait pris l’habitude de draguer de façon lourde toutes les nouvelles intérimaires qui travaillaient l’été. La plupart remettaient en place de façon directe voir brutale l’indélicat. Cependant une personne très introvertie n’a pas osé répondre aussi directement. Le salarié profitait donc de sa timidité et de sa gêne pour employer davantage de termes obscènes et lui poser des questions sur leur « future » relation sur le ton de l’humour. Elle en a parlé à une collègue qui a rapporté ses propos à une personne du service des ressources humaines. Le directeur du site a reçu discrètement avec le DRH les personnes concernées et les témoins.
Le directeur du site opérationnel a vite tranché : il a voulu mettre fin à des pratiques devenues récurrentes par l’exemple en mettant à pied la personne présumée durant une semaine. La situation et sa sanction ont été relaté dans la newsletter interne à l’entreprise. Les intérimaires sont abordées de façon moins frontale depuis …

Sphère professionnelle et de sphère privé. Multiplier les cadeaux et les appels, se rendre devant le domicile d’un(e) salarié(e), être intrusif dans sa vie privée, le questionner sur sa vie intime, lui envoyer des messages de type sexuel sur sa messagerie peuvent être assimilés à du harcèlement sexuel.

La dimension culturelle. Elle est non négligeable. Certains pays ont une tolérance plus ou moins marqués vis à vis des commentaires à caractère sexiste tandis que dans d’autres pays, notamment anglosaxons, faire un compliment à une femme peut être assimilé à du harcèlement.
Ainsi, le directeur d’un grand groupe me confiait ne pas prendre l’ascenseur seul avec une femme à Washington !
En France, il existe des nuances dans les faits et dans le contexte pour qualifier un harcèlement sexuel. Ainsi, faire du pied sous la table a une connotation sexuelle même si cela n’a pas trait aux parties intimes. Si cela n’a lieu qu’une fois, ce n’est pas du harcèlement. En revanche, s’il y a répétition du geste plus d’une fois, cela peut être caractérisé comme du harcèlement sexuel. Reste à le prouver…
En ce qui concerne la deuxième partie de la définition du harcèlement incluant la notion de pression grave. Dans ce cas il y un acte d’harcèlement, considéré comme une agression sexuelle avec atteinte à l'intégrité physique sans la notion de répétition. Pour le code pénal, il s’agira de “toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise”.
Ainsi, une main aux fesses ou un baiser forcé sont assimilées à des agressions sexuelles.
Il y a des circonstances aggravantes dès lors qu’il y a utilisation du pouvoir hiérarchique (ou pression sur des personnes en situation de fragilité) dans le but d’obtenir des faveurs sexuelles, même si les agissements ont lieu en dehors du travail. Les peines peuvent aller jusqu'à trois ans de prison et 45.000 euros d'amende.

Prévenir le harcèlement sexuel au travail

Les obligations légales des entreprises.

Depuis le 1er janvier 2019, la loi oblige les entreprises d’au moins 250 salariés à désigner un référent chargé d’informer et accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.
En plus du référent RH, un référent élu du personnel doit aussi être nommé dans les CSE (Comité Social Economique / CHSCT (Comité d’hygiène de sécurité et conditions de travail) de toutes les entreprises peu importe leur effectif.
Le CSE doit désigner via une résolution prise à la majorité des membres présent parmi ses membres (élu ou représentant syndical) un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.
Le référent harcèlement sexuel doit suivre une formation en adéquation avec l’exercice de ses missions, financée par l’employeur sous certaines conditions.

Au niveau individuel, dans l’espace de travail

Il existe un harcèlement sexuel environnemental ou dit d’ « ambiance » avec l’acceptation (implicite) d’affiches de femmes nues exposées dans des locaux professionnels (vestiaires, espace de pause) ou d’échanges de propos grivois entre hommes (mais pas que !) ou de blagues obscènes autour de la machine à café.
Ne pas tolérer ce type de faits sur le lieu de travail est déjà un premier message à envoyer.

Un cas de jurisprudence

La cour d'appel d'Orléans, dans une décision du 7 février 2017, a condamné un journal à 78.500 euros de dommages et intérêts à la suite de la plainte d'une employée qui avait dénoncé des propos à connotation sexuelle récurrents, très dégradants à l'égard des femmes, et prononcés sous le couvert de l'humour.

Traiter un harcèlement présumé

De plus en plus d’organisations ont mis en place un dispositif dont la première étape consiste à séparer géographiquement la victime présumée de harcèlement du l’harceleur présumé.
Puis il y a une enquête menée généralement par deux personnes, un homme et une femme, qui interviewent ensemble les personnes, les témoins, rédigent des comptes-rendus qu’ils font signer. Ces enquêtes doivent être menées de façon la plus discrète possible : à ce stade, il y a bien présomption de harcèlement.
Toute victime présumée a un statut de personne protégée même dans le cadre de PSE (plan de sauvegarde de l’emploi).

De la difficulté de prouver le harcèlement sexuel

La difficulté pour les victimes est de prouver les faits avancés. Il y a rarement des témoins. Le plus souvent, il n’y a pas d’écrit … Et s’il y a des témoins, ils n’osent parfois pas témoigner de peur du regard des autres ou d’avoir des représailles.
Il faut savoir que la victime est protégée légalement. Elle ne peut pas être sanctionnée ou licenciée pour avoir parlé ou avoir porté plainte.
De même, un témoin ne peut pas subir de représailles même s’il s’est trompé (sans aucune mauvaise intention).

Cas de dénonciation abusive d’harcèlement

Il peut arriver qu’une personne se dise harcelée pour bénéficier du statut de personne protégée. La personne accusée à tort de harcèlement peut alors porter plainte pour dénonciation calomnieuse et diffamation. La personne prétendue alors harcelée peut alors recevoir des sanctions judiciaires, administratives ou disciplinaires.

Les sanctions pour un harcèlement sexuel

Le harcèlement sexuel est un délit punissable d'une peine de : 2 ans d'emprisonnement, et 30 000 € d'amende.
Ces peines sont aggravées et fixées à 3 ans d'emprisonnement et 45 000 euros d'amende dans certains cas, notamment lorsque l'auteur a abusé de l'autorité conférée par ses fonctions ou lorsque la victime est considérée comme particulièrement vulnérable (personne malade, femme enceinte...).

Pour en savoir plus

Rendez-vous sur le site [https://stop-violences-femmes.gouv.fr/suis-je-concernee-292#)
Le film « Working Girl » de Michal Aviad, sorti le 17 avril 2019, aborde avec subtilité les non-dits et la complexité de ces situations de harcèlement.

Isabelle Lacour, coach certifiée et consultante en RPS du réseau Eutelmed nous parle ici d’un sujet délicat à aborder au sein des entreprises. Elle nous informe sur ce que dit la loi, sur la réalité de l’entreprise mais aussi sur ce que l’on peut faire pour prévenir le harcèlement.

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