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Parler des attentats aux enfants : conseils aux parents et professionnels

Nisha Kirpalani, psychologue spécialisée en psycho-traumatisme du réseau Eutelmed, partage avec nous quelques conseils destinés aux parents et professionnels travaillant avec des enfants pour parler aux enfants sur les attentats et la situation.

Photo-Nisha

Ce que j’aimerais surtout vous dire c’est de ne pas tant vous en faire pour les enfants ! Plus vous serez inquiets, plus ils le seront! Ils ont des capacités de résilience insoupçonnées et vous verrez que c’est davantage eux qui vous aideront à surmonter cette épreuve.

Il s’agit avant tout de leur dire la vérité, c’est à dire que beaucoup de gens sont morts, dont certains que vous connaissiez peut-être, et que cela vous rend triste et/ou en colère. Et qu’on a le droit d’être triste et/ou en colère. Ca fait partie de la vie, et avec le temps et l’amour et le réconfort des autres, proches ou moins proches, ça s’atténue. Il ne faut surtout pas cacher (de toutes façons ils la sentent très bien) ni pathologiser la tristesse.

Ce n’est pas pour autant qu’il faut confronter les enfants à la crudité de la violence des mots et surtout des images, mais plutôt :

  • penser à adapter le langage et le contenu à l’âge des enfants

  • mettre en garde les plus grands que les plus jeunes n’ont pas la même maturité qu’eux et qu’il n’est donc pas nécessaire de tout leur raconter dans le détail

  • proscrire les images et la télévision pour les plus jeunes

  • couper le wifi dans la maison pour les plus grands (pré-ados, ados) avec lesquels on peut en revanche regarder ensemble des images choisies, pré-visionnées par vous, analysées, et en les prévenant de ce qu’ils vont voir.

La première réaction des enfants ne sera pas forcément la peur; la peur vient parce que les adultes ont peur ou que les adultes l’évoquent. Donc oui, attention aux mots qu’on utilise pour ne pas engendrer de la peur en la suggérant.

Si eux expriment des inquiétudes, les accueillir, ne pas les nier, il est légitime d’avoir peur. Bien-sûr il s’agit aussi de les rassurer, non pas en leur disant que ça ne se reproduira pas (ça on ne le sait pas et rien ne sert de mentir sinon on perd leur confiance) mais que les adultes (les dirigeants du pays, l’armée, les policiers, les enseignants, les parents…) font tout pour les protéger du mieux possible.

Pour les enfants tout cela est très irréel (d’ailleurs, pour la plupart des adultes aussi, même pour ceux qui étaient au cœur de la violence ; c’est pourquoi certains ne ressentent rien, ou au contraire répètent les événements en boucle, comme pour se persuader que ce qu’ils ont vécu est vrai).

Ce n’est que dans les jours à venir que les prises de conscience vont se faire et c’est là aussi qu’il faudra être attentif à tout signe de perturbation éventuelle. Sachant que c’est normal qu’on soit perturbé (sommeil, appétit, irritabilité, tristesse, etc.), ce n’est pas pathologique en soi.

En ce qui concerne la parole, informer et proposer la discussion, mais ne pas forcer à en parler. Souvent les enfants restent davantage préoccupés (et à juste titre) par leur propre univers, leurs querelles d’écoles, leur collection de Pokémon, leur nouvel amoureux, et ce n’est pas plus mal !

Si vous en parlez en collectif, veillez aussi à être attentif aux différentes expositions de chacun à la violence (ceux qui ont perdu quelqu’un qu’ils connaissaient, ceux qui ont été témoins, ceux qui n’en ont que peu entendu parler, etc.) et si possible faire des petits groupes selon le niveau d’atteinte pour en parler différemment au sein de chaque groupe, entre autres pour endiguer la « contagion » du traumatisme.

On peut aussi faire dessiner les enfants plutôt que raconter (ou comme support d’élaboration) ce qu’ils ressentent, imaginent, craignent. Pour les dessins de choses qui leur font peur, ils peuvent mettre leurs dessins dans une boîte (à chaussures par exemple) fermée, un peu comme le principe de la boite à cauchemars. Et plus tard, on peut sortir les dessins de la boite et se rendre compte qu’ils ne nous effrayent plus. Ou certains aiment bien aussi déchirer les dessins au lieu de les mettre dans la boîte, comme pour symboliquement détruire leur peur.

Selon vos envies (et les leurs !) vous pouvez aussi les emmener faire un geste, comme par exemple déposer une bougie, une fleur ou un dessin au coin de la rue de Charonne et de Faidherbe, solennellement certes mais aussi en toute simplicité, dans un moment de partage familial et collectif.

Enfin – aussi violent que cela puisse sembler quand on souffre de la perte de nos repères et de personnes qu’on aime, mais particulièrement vrai dans le cadre de la terreur volontaire- ne pas oublier de laisser de la place au futur, à l’espoir, à l’action et à la vie….

Voilà, ce sont juste quelques réflexions que je souhaitais partager avec vous. Je vous mets ci-dessous des liens recommandés entre autres par la Fédération Française des Psychologues et de la Psychologie (FFPP) :

Attentats de Paris : comment répondre aux questions des enfants ? – Bayard Jeunesse

l’interview qu’a accordée Agnès Florin au Café pédagogique « Que faire lundi matin ? »

l’intervention de Serge Tisseron sur le site Koreus « Faut-il parler des attentats à vos enfants ? »

l’interview de Hélène Romano du 12 janvier 2015 sur Europe 1 « Attentats : comment gérer le jour d’après ? »

Le contenu de ces fiches est donné à titre informatif et ne comporte aucun engagement en matière de soins.

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